Lignes #2

« Bud regardait le bébé. Puis il regarda Fran. Il inclina sa chaise sur les deux pieds de derrière et hocha la tête. Il opina encore du bonnet.

— Faites donc pas attention. On sait qu’en ce moment, il gagnerait pas un concours de beauté. C’est pas un Clark Gable. Mais faut lui donner le temps. Avec un peu de chance, il ressemblera à son papa en grandissant.
Debout sur les genoux d’Olga, le bébé nous regardait. Olla le tenait maintenant par la taille, alors il pouvait se balancer sur ses grosses jambes. C’était bien le bébé le plus moche que j’avais jamais vu. Tellement moche que je trouvais rien à dire. J’arrivais pas à sortir un mot. Je veux pas dire qu’il était malade ou défiguré. Non, pas du tout. Il était moche, c’est tout. Il avait une grosse figure rouge, des yeux qui lui sortaient de la tête, un front démesuré et des grosses lèvres épaisses. Quant au cou, mieux vaut ne pas en parler, et il avait trois ou quatre mentons qui ballonnaient jusque sous ses oreilles. Des oreilles en éventail sur sa tête chauve. Il avait aussi des gros plis de graisse aux poignets, des bras et des doigts boudinés. Lorsque je dis qu’il était moche, je suis encore modeste. »

Raymond Carver, Les vitamines du bonheur

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