FAQ – Scénaristes et narrative designers dans le jeu vidéo

Je reçois régulièrement des questions sur les métiers de la narration dans le jeu vidéo, auxquelles je n’ai malheureusement pas toujours le temps de répondre. J’ai décidé de réunir les plus fréquentes, afin que celles et ceux qui envisagent de devenir narrative designers, scénaristes ou narrative directors dans le jeu vidéo puissent trouver certains éléments de réponse ici. J’ajouterai des sections au fur et à mesure.

Note importante : tous les parcours sont différents ! Je ne suis qu’un exemple parmi d’autres, et je vous encourage donc à découvrir d’autres profils pour compléter votre recherche.

La différence entre scénariste et narrative designer ?

Certains studios peuvent recruter la même personne pour le poste de scénariste et de narrative designer, tandis que les plus gros studios distinguent souvent les deux métiers.

Il faut savoir que la reconnaissance du métier et le terme de narrative designer sont relativement récents, et que les définitions peuvent sensiblement varier selon les studios… et selon les narrative designers eux-mêmes. Par ailleurs, dans certains studios, les missions de narrative design sont parfois confiées à un game designer, à un quest/mission designer…

Je vais tenter de résumer les missions principales des deux métiers, telles que je les ai personnellement rencontrées.

Scénariste de jeu vidéo (writer / game writer)

Les missions du scénariste sont avant tout de structurer l’histoire, de créer les personnages, d’écrire les dialogues et les éléments textuels (du contenu d’une lettre aux tutoriels et descriptions d’objets, par exemple), les cinématiques, la bible de l’univers et autres éléments de lore, etc. En fonction des projets et des moyens narratifs, les missions du scénariste peuvent varier fortement. Par exemple, pour un jeu de plateforme sans dialogues, il pourra se retrouver en charge de concevoir la structure des niveaux d’un point de vue narratif, sans pour autant écrire de scènes scriptées.

Narrative designer

Les missions du narrative designer sont plus transversales. Il s’agit de choisir et d’exploiter les outils qui permettront d’exprimer la narration à travers le jeu, sous toutes ses formes. Les premiers de ces moyens narratifs sont les mécaniques et systèmes du jeu. Mais en fonction du projet, il pourra également s’agir de la structure de l’histoire, des systèmes de dialogues, de l’environnement et autres éléments visuels, des éléments audio, etc etc. Le narrative designer travaille en étroite collaboration avec tous les autres départements. C’est pourquoi il est important, pour ne pas dire nécessaire, de connaître le fonctionnement d’une production de jeu vidéo pour exercer ce métier.

Dans les deux cas, il est primordial d’apprendre à écrire et concevoir pour l’interactivité, car tous les projets sont différents et demandent de s’adapter constamment.

Journey

Comment entrer dans le milieu du jeu vidéo ?

Encore une fois, tous les parcours sont différents. Il n’y a pas de conseils magiques, mais voici quelques pistes.

Se former

En-dehors des nombreuses écoles de jeu vidéo, qui ne proposent malheureusement pas encore de formations complètes pour les scénaristes de jeu vidéo et/ou les narrative designers, il existe des ressources en ligne (notamment les excellentes conférences de la GDC) pour se former aux métiers de la narration, et quelques livres de référence sur le sujet, listés plus bas.

Se rendre à des événements autour du jeu vidéo

Il existe de nombreux événements en France et ailleurs, qui permettent de rencontrer des professionnels, de tester des jeux en développement, d’assister à des conférences ; en résumé, de se constituer peu à peu un réseau en allant à la rencontre de ceux qui travaillent déjà dans le jeu vidéo.
En France, je citerais notamment le Game Camp, la Paris Games Week. et Indie Game Lyon.
A l’étranger, la Game Developers Conference (GDC) (San Francisco), ou la Gamescom (Cologne).

Rejoindre une association

Rejoindre une association ou participer à des événements associatifs permet de rencontrer du monde, et de se tenir au courant des productions de la scène indépendante. Vous pouvez trouver les associations en ligne en fonction de votre situation géographique ou de vos sensibilités artistiques ou personnelles ; je pense notamment à Women In Games.

Participer à une game jam

Pour rencontrer des gens qui démarrent ou évoluent déjà dans le milieu, et pour travailler sur de petits jeux qui pourront commencer à nourrir votre portfolio, les game jams peuvent être une piste. L’une des plus connues est la Global Game Jam.
Note : récemment, Arte a organisé sa propre game jam.

Construire son portfolio

Je détaille cette question dans la section suivante.

Travail, chance, réseau

Comme j’aime à le répéter souvent, ces trois éléments ne fonctionnent pas l’un sans l’autre. Si vous tombez par hasard sur un producteur que vous admirez pendant un événement, que vous êtes capable de lui pitcher votre prochain projet et de lui donner un lien vers votre portfolio, c’est parce que vous avez travaillé en amont, et que vous avez provoqué votre chance en vous rendant à cet événement. Le producteur ne donnera peut-être pas suite, mais il se peut qu’il se rappelle de vous quand vous le croiserez à nouveau. Ou, mieux, qu’il recommande votre profil à quelqu’un d’autre. Un réseau qui fonctionne est un réseau organique, et un réseau se construit sur la durée, en rencontrant et en travaillant avec du monde.

Gris

Comment constituer un portfolio ?

La plupart des étudiants d’écoles de jeux vidéo terminent leur cursus par un projet de fin d’année. Si ce projet vous semble pertinent, n’hésitez surtout pas à l’ajouter à votre portfolio !

Si vous ne sortez pas d’une école de jeu vidéo, vous pouvez créer un petit jeu vous-même, grâce à des logiciels simples d’accès comme Twine, Ink ou Game Maker. Un petit jeu bien conçu peut parfois suffire à convaincre… Et un lien itch.io s’ajoute facilement à un porfolio. (même les créateurs de The Stanley Parable ont fait leur petit jeu Twine !)

Pour un poste de scénariste

Envoyez des extraits de scènes, cinématiques, dialogues in game, barks, etc. Les biographies de personnages, bibles d’univers, et autres contenus textuels, sont également pertinents. C’est ce qui permettra au studio de se rendre compte de votre style, de vos genres de prédilection… Bien évidemment, si vous avez des extraits vidéo de séquences de jeux sur lesquels vous avez travaillé, c’est encore mieux !

Pour un poste de narrative designer

En fonction des besoins du studio pour lequel vous postulez, il se peut que les éléments détaillés ci-dessus pour le poste de scénariste soient pertinents, particulièrement les bibles. Ajoutez également des extraits vidéo de séquences de jeux à partir desquels vous pourrez détailler plus précisément vos missions, vos objectifs, la manière dont vous avez abordé le narrative design sur ces séquences… Faute d’extraits, vous pouvez détailler vos missions et votre approche design sur vos précédents jeux.

Little Nightmares

Des références de livres sur la narration ?

Sur la narration interactive et le worldbuilding, mon top 5 :

  • On Interactive Storytelling, Chris Crawford
  • Dramatic Storytelling & Narrative Design, Ross Berger
  • Game Writing, édité par Chris Bateman
  • Building Imaginary Worlds, J.P. Wolf
  • Professional Techniques for Video Game Writing, Wendy Despain

Firewatch

La différence entre scénariste de cinéma et scénariste de jeu vidéo ?

C’est une question que l’on me pose régulièrement, et à laquelle il est compliqué de répondre en quelques lignes. Mais, pour résumer : on n’écrit pas pour un médium comme on écrit pour un autre, parce que chaque médium a ses propres outils.

Prenons cet exemple qui parle à tout le monde : un livre ne s’écrit pas comme un film, parce qu’il ne dispose pas des mêmes outils. En l’occurrence : l’image et le son. De ces outils-là découlent des possibilités et des contraintes (prise en compte du montage, descriptions visuelles des scènes, dialogues écrits pour des acteurs, etc etc).
Le jeu vidéo a lui aussi ses outils propres, et l’interactivité est le plus important d’entre eux. Le joueur est actif dans la narration. Apprendre à écrire pour le jeu vidéo, c’est prendre en compte ce nouvel outil, le joueur, dans la narration.

The Stanley Parable

Faut-il parler anglais pour exercer ces métiers ?

Selon moi, la réponse est « oui ». Mais, comme toujours, il y a des exceptions.

Dans le cas spécifique de l’écriture de dialogues, j’ai connu de rares situations où l’on écrivait en français avant d’être traduits dans d’autres langues. Mais, dans la majorité des cas, nous écrivons en anglais. Et, si besoin, un proofreader fait une vérification finale.

Au-delà de mon avis personnel sur le fait qu’il est préférable d’écrire des dialogues dans sa langue maternelle pour atteindre un bon niveau de nuances, il me paraît important de connaître l’anglais pour évoluer sereinement dans cette industrie. Et cela pour plusieurs raisons, dont les trois principales :

– Vous pouvez être amenés à travailler avec des équipes internationales, avec lesquelles il faudra communiquer efficacement ;
– En tant que scénariste et/ou narrative designer, il n’est pas rare de participer à des sessions de doublage en anglais (qui est souvent la langue master à partir de laquelle le travail de traduction (localisation) sera fait) ; être capable de diriger les acteurs dans cette langue et de repérer les éventuels soucis d’interprétation des dialogues est un vrai avantage ;
– Beaucoup de termes techniques dans le jeu vidéo n’ont pas d’équivalence en français

The Dream Machine